Claude Geffré (1926-2017)

Brève notice biographique
par le Fr. Bruno Demers, o.p.

Le théologien dominicain Claude Geffré vient de nous quitter le 9 février 2017 à l’âge de 91 ans. Avec lui disparaît un des grands théologiens français de l’après Concile. Témoin des déplacements théologiques opérés à Vatican II, il fut l’artisan prudent et audacieux du passage d’une méthode dogmatique à une méthode herméneutique dans la réflexion sur la foi. La théologie ne se contente plus de justifier le dogme au moyen de l’Écriture, elle devient une interprétation, un déchiffrage du sens de la Parole de Dieu en rapport avec l’expérience historique d’aujourd’hui. Mettant en œuvre cette méthode, il a développé, à partir de 1985, une théologie du pluralisme religieux qui constitue toujours une référence incontournable pour comprendre les enjeux de la rencontre des grandes religions.

Né à Niort (Deux-Sèvres, France) le 23 janvier 1926, Claude Geffré entre au noviciat des Dominicains de la province de France en 1948. Après des études de philosophie et de théologie aux Facultés dominicaines du Saulchoir (1949-1955), il est ordonné prêtre le 12 juillet 1953 et obtient son doctorat en théologie à l’Angelicum (Rome) en 1957. Il revient alors au Saulchoir comme professeur et, de 1965 à 1968, recteur. Il passe ensuite à l’Institut catholique de Paris où il enseigne d’abord la théologie fondamentale. Il dirige le cycle de doctorat de 1973 à 1984. De 1988 à 1996, il y développe des cours d’herméneutique et de théologie des religions. En 1996, il devient directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem jusqu’en 1999. 

Claude Geffré a été professeur invité de nombreuses universités (Bruxelles, Sherbrooke, Fribourg, Québec, Atlanta, Kinshasa, Ottawa et Yaoundé). Aux éditions du Cerf, il a dirigé la collection «Cogitatio Fidei» de 1970 à 2004. Il a fait partie de nombreuses associations internationales : membre théologien de la fondation de la revue Concilium, membre de l’European Academy of Sciences and Arts, de l’Association Européenne de Théologie Catholique, de l’Académie Internationale des Sciences Religieuses, du Groupe de recherche islamo-chrétien, de la Conférence mondiale des religions pour la paix, etc. 

Sa bibliographie, dans son dernier livre Le christianisme comme religion de l’Évangile -publié en 2012 – comprend plus de 500 entrées incluant 9 volumes dont certains traduits en plusieurs langues. Claude Geffré prétend ne pas avoir cherché à construire une «œuvre» au sens classique du terme. Lucide quant aux conditions de possibilité du discours théologique à notre époque, il voulait plutôt répondre aux questions de l’histoire concrète des contemporains. Pourtant il s’agit bien d’une «œuvre» où les réalisations sont marquées par une même méthode herméneutique, c’est-à-dire la corrélation entre l’expérience chrétienne fondamentale et l’expérience historique d’aujourd’hui. Ainsi trouve-t-on dans ses publications, en plus d’articles de théologie spécialisée et de théologie du pluralisme religieux, des réflexions portant sur des thèmes comme l’athéisme, la sécularisation, l’indifférence religieuse, la tolérance, la prière, la liberté religieuse, le mal, la quête de bonheur, le corps, l’avenir de l’Europe, etc. Face aux  défis de la modernité, sa théologie assume jusqu’au bout les risques de l’interprétation, qui sont en fin de compte les risques mêmes de l’aventure croyante.

Il était aussi un homéliste recherché. Parmi ses livres, on compte deux recueils d’homélies prononcées sur plusieurs années à la messe radiodiffusée de France-culture. Au cours d’une carrière qui s’étend sur 60 ans, Claude Geffré a bien incarné, dans l’Église d’aujourd’hui, l’actualité permanente du charisme de saint Dominique où s’allient la quête de Dieu et la sensibilité historique aux besoins des femmes et des hommes de l’époque.